"Le village" par Simon Y.

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Le village

Vêtue d’un simple kimono blanc, je vis le reste des villageois arriver au pied du sanctuaire ; la célébration peut maintenant commencer.

Étendue au centre du haiden, j’observai patiemment la miko exécuter une danse cérémoniale complexe et impressionnante — dont, naturellement, je ne compris pas la signification —, traversant la scène et me contournant d’une grâce sans pareille, assistée par mes camarades de classe…

Je me rappelle encore de mon arrivée en ces lieux, quelques mois auparavant, en début d’année 1981. Fort de seulement quelques centaines d’habitants, Giseisawa était un petit village doté d’une communauté traditionnelle et n’ayant eu aucune entrée ou sortie notable de population — étant localisé au milieu d’une chaîne de montagne difficile d’accès et sans aucune grande particularité — depuis plusieurs décennies.

Étant la seconde fille d’une famille ouvrière, et passant une période financière difficile, mes parents n’avaient que peu de moyens disponibles pour financer mes études, plus assez pour les écoles de ma ville. Je fus donc transférée ici seule, recevant un petit appartement et une allocation mensuelle de leur part.

J’eus tout d’abord craint un rejet de la part de la population, étant donnée la réputation quelque peu mystérieuse et renfermée du village, mais heureusement, mes inquiétudes furent vite prouvées infondées.

Cependant, bien que les habitants fussent chaleureux et accueillants, si quelque peu gardés, je ne connaissais aucune de leurs coutumes ni leurs traditions, mais je ne voulais pas être mise à l’écart par mon ignorance, même si — je l’admets quelque peu honteusement — je ne croyais ni ne m’intéressais réellement à ces superstitions ; c’est donc ainsi que mes camarades de classe eurent l’idée de m’inviter à participer à une représentation durant les festivités de la célébration de fin d’année.

« Alors, qu’en dis-tu ? demanda Ai, la déléguée de classe, avec enthousiasme.

— …Okay, si tu veux, qu’est-ce qu-

— Super ! T’aura le rôle le plus important ! coupa-t-elle avec un ton excité.

— …Et donc je ferais quoi, exactement ? demandais-je, l’air impassible.

— Et bien…tu devras rester immobile !

— Hein ?

— Ben c’est une sorte de…euh…une fête de bienvenue ! Exactement, c’est une fête de bienvenue ! » dit-elle nerveusement.

Ai divergea ensuite sur le principe et les origines d’une telle fête, ainsi que d’autres représentations que j’écoutais d’une oreille distraite, acquiesçant de temps à autre sans vraiment écouter, même si ce fut finalement les mentions de buffet et de feux d’artifices qui me fis accepter.

Étrangement, le mot de ma « participation » fit rapidement le tour du village, et il semblerait que cette représentation était bel et bien une occasion importante, car tout le monde me félicita pour mon futur rôle, et s’ouvraient un peu plus à moi, bien que je ne vis franchement pas quelle était la logique derrière cela ; certains m’ont même remerciée d’avoir pris ce rôle, allant jusqu’à m’offrir toutes sortes de babioles, de la nourriture, de l’argent, et même des vêtements !

‘Être traité comme une princesse pour simplement aller dans un sanctuaire et rester allongé ?...bon, ça ne me regarde pas vraiment, ce qu’ils font de leur argent, et de toute façon, autant en profiter’, pensais-je sur le coup.

J’ai brièvement spéculé sur ce soudain changement de situation : monnaie facile, nourriture locale à volonté, aimé de la communauté…c’était trop beau pour être vrai, sans parler d’extrêmement étrange, mais je pouvais difficilement déceler de malicieuses intentions, et après n’avoir reçu que des « c’est une tradition » comme réponse, j’ai fini par attribuer cette excentricité à mon statut de nouvelle venue, la seule explication quelque peu logique, et puis bon, à cheval donné …

Après cela, je fus agréablement surprise par les alentours de Giseisawa, qui étaient tout simplement magnifiques ; un paysage à la fois forestier et montagnard, avec quelques rizières çà et là, et absolument aucune urbanisation. C’était un lieu parfait pour mes études en peinture, et je me demande si c’est pour cela qu’un si petit village abrite une école d’art assez notable pour être remarquée par les grandes écoles.

Mais quand j’y pense, s’il n’y a aucune entrée ou de sortie d’habitants, comment pe-

*KSHLUK*

Je fus brutalement arrachée de mes pensées par une brève mais extrême douleur au cou, suivie de…rien.

Huh ?

Pourquoi je ne sens plus mes membres ?

Son expression figée pour toujours en un masque de choc et d’incompréhension, la tête de Kiyoko Hikari roula lentement sur le sol, suivie par les applaudissements des villageois.

{Fin}

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